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Théroigne de Méricourt

Théroigne de Méricourt

Écrit par Thyphaine D.

Création Sonore Laurent Sellier
Voix Marianne Schlégel

Rien ne m’est agréable sans la liberté…

Cette phrase résonne,
Flamboyant et déchirant refrain,
Parmi des couplets de vie si contrastés…
Est-ce une seule Héroïne, ou plusieurs, qu’elle me faut vous raconter ?

Est-ce l’histoire d’Anne-Josèphe, simple fille de laboureur, orpheline de mère à 5 ans, emprisonnée dans les vallons verdoyants de la Province de Liège, actuelle Belgique, où tranquillement la rivière de l’Ourthe serpente vers la Meuse, et dont elle s’échappera à l’adolescence pour devenir vachère, fuyant les maltraitances d’une famille mal recomposée ?

Ou celle de Mademoiselle Terwagne, jeune dame de compagnie d’une Madame Colbert, anglaise au grand coeur, qui à Londres veilla à l’instruire, à la faire connaître dans les salons où elle fit sensation, et à lui prodiguer les meilleurs cours de chant, pour répondre à l’ambition de sa protégée de devenir chanteuse ?

Ou celle encore d’Anne, une mère qui perdit sa petite fille de 18 mois, malgré les soins prodigués ?

Est-ce le récit des aventures de Dame Theroigne, une musicienne intrépide, qui tenta de devenir cantatrice en Italie, en soignant sa syphilis dangereusement au mercure ?

Est-ce la romance de l’Amazone Rouge, comme on la nommera, qui décida de quitter Naples pour ne rien manquer de la révolution qui soulevait le peuple de Paris au printemps 1789 ? Cette révolutionnaire érudite, et indépendante, sachant seule gérer ses rentes, qui s’installa à Versailles pour assister aux débats de la nouvelle Assemblée Nationale, une des rares femmes présentes, amie, comme Olympe de Gouge, de Sieyes, Petion et Brissot, qui participa aux journées d’octobre, avec les femmes, ramena la famille royale aux Tuilleries, qui bien vite se fit connaître pour ses discours, ses harangues en pleine rue, ses cheveux désormais coupés courts, ses pistolets et son sabre à la ceinture, ses habits d’homme bleus, blancs ou écarlates sous son large chapeau rond à panache de geai, et ses élans de coeur, qui, dit-on, la portait parfois vers l’amour des Femmes ?

Est-ce l’intrigue policière de l’enlèvement de Mme Theobald, nom de code qu’on lui attribua alors, par des agents de l’Empereur d’Autriche Leopold, frère de Marie-Antoinette, qui fit questionner sa captive dans les geôles tyroliennes de la forteresse de Kufstein, neuf mois durant, la soupçonnant d’un complot à son encontre, et qui la recevra finalement en son palais de Vienne, où elle parviendra à le convaincre de lui rendre sa liberté ?

Est-ce la légende glorieuse de Théroigne de Méricourt, que l’on cru morte, mais qui revint à Paris dans le tumulte de 1792, plus que jamais déterminée à se battre pour les idéaux de la révolution, et pour les droits des femmes, qu’elle exhortait ainsi, voulant constituer des bataillons d’Amazones : « Citoyennes armons-nous ; nous en avons le droit par la nature et même par la loi ; montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus, ni en courage ; montrons à l’Europe que les Françaises connaissent leurs droits, et sont à la hauteur des lumières du dix-huitième siècle ; en méprisant les préjugés. »

Est-ce au contraire la caricature injurieuse de la « putain du peuple », qui subit l’opprobre des misogynes royalistes ou révolutionnaires, aristocrates comme girondins, accusée des pires crimes, d’être une débauchée, insultée dans les journaux, et agressée sexuellement par des factions jacobines qui la dénudèrent et la frappèrent en place public ?

Est-ce la mélopée d’Anne Théroigne, la modérée, qui vit venir la terreur, et tenta de la prévenir, en prônant l’union des progressistes divisés : « Comment arrêterions-nous ce torrent d’ennemis, qui combineraient leurs efforts au moment où nous serions les plus acharnés les uns contre les autres ? Ô ! idée affreuse, je n’ose pas achever.

Citoyens arrêtons-nous et réfléchissons, ou nous sommes perdus. Le moment est enfin arrivé, où l’intérêt de tous veut que nous nous réunissions, que nous fassions le sacrifice de nos haines et de nos passions pour le salut public. Car je vous préviens que nos ennemis ne distinguent point les partis, et que si nous sommes vaincus, nous serons tous confondus au jour de vengeance. »

Est-ce enfin la complainte d’une femme sans nom, nue, aspergée de sots d’eau froide, dans la cour de la Pitié Salpêtrière, cet hôpital pour femmes qui avait vu enfermée avant elle Manon Roland et tant d’autres Héroïnes révolutionnaires, dans des conditions infernales, et qui avait tout, en réalité, d’une prison politique pour contraindre celles qui voulait la vraie, la totale révolution, la liberté pour toutes comme pour tous ? Cette patiente là, décharnée, malade, cette détenue, déclarée folle en 1794 par un frère, qui permit qu’elle ne fut pas guillotinée, mais au passage s’octroya sa fortune si intelligemment administrée, était-elle vraiment démente ? Ou était-elle simplement une femme traumatisée par les violences terribles qui lui furent infligées, comme par celles de la terreur auxquelles elle assista ? N’était-elle pas plutôt une femme désespérée de voir ses idéaux échoués, et sa chère révolution dévoyée tourner au massacre ? Abandonnée par sa famille, elle passera les 23 dernières années de sa vie enfermée à l’asile. Ce procédé nous est-il étranger, et aujourd’hui encore, certains ne traitent-ils pas les féministes de folles ?

Oui, toutes ces histoires sont celle d’une même Héroïne extraordinaire de notre Matrimoine.

Anne-Josèphe Théroigne, dite, par ses détracteurs zélés, Théroigne de Méricourt, à travers toute l’Europe, et pendant les cinquante cinq années que dura sa vie, de sa naissance à Marcourt en 1762, à sa mort dans l’enfer de la Salpêtrière à Paris en 1817, et à travers les deux siècles qui nous séparent, n’en finit plus de nous paraître si familière.

Elle mérite, avec toutes celles qui luttèrent si courageusement pour les droits des femmes avant même l’invention du mot de Féminisme, au péril de leurs vies pour le progrès des nôtres, qu’on lui rende Femmage.

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